Une soirée très spéciale s’est déroulée mardi dernier, le 19 novembre 2024, dans le mythique hôtel Raphaël avenue Kléber à Paris. Ce magnifique palace érigé en 1925 va fermer ses portes pour rénovation jusqu’en 2026. C’était l’occasion d’une immense “Closing Party” confiée à la styliste Nathalie Garçon qui célébrait un sacré anniversaire : les 35 ans de sa marque de prêt à porter. Quand on commence à multiplier les décennies, gare aux langues de vipère, surtout dans la mode : « 35 ans d’âge ? ça lui fait quel âge ? » Nathalie Garçon en est fière. Quand, dans les années 2010, elle fermait ses 400 points de vente, elle anticipait, avant tout le monde, la prise de conscience du gaspillage textile. Elle avait presque dix ans d’avance sur la tendance, c’est son talent. Sans changer de nom, sa marque lançait « Nathalie Garçon / Re-born », comme “renaître”. Des petites séries élaborées à partir de fripes qu’elle déniche en Tunisie, et qu’elle customise avec des brodeuses et des couturières de là-bas. Dans sa boutique chaleureuse de la rue Vivienne à Paris, les couleurs sont chatoyantes, les coupes féminines, portables, elle habille toutes les tailles et toutes les générations.
Le lobby de l’hôtel Raphaël | A gauche, Nathalie Garçon avec la patronne du Raphaël, Véronique Crefcoeur qui lui a ouvert son espace |
L’ère des femmes qui ont du chien
Mais elle fait bien plus que ça. Sa fête rétrospective en témoigne : au Raphaël ce soir-là, Nathalie Garçon a fait entrer la mode dans une ère nouvelle, l’ére des femmes qui déchirent. Qui, par delà leurs fragilités, ont du style. Pas des silhouettes nubiles et des gamines boudeuses qu’on voit si souvent sur les podiums des défilés. Ce soir-là, dans le splendide lobby à damiers, elle avait mobilisé ses amies – et quelques amis - du show biz, de la musique, du cinéma, du théâtre… pour un défilé de tenues déjà “vintage”, de 1990 à aujourd’hui. Il y a eu 55 passages et ce fut éblouissant.
Mathilda May, le manteau est vert émeraude | Les acteurs Charles Berling et Agathe de la Boulaye |
Joyeuses, bien dans leur peau
On reconnaissait des célébrités fidèles : Sylvie Testud, Catherine Jacob, Caroline Loeb, Agathe de la Boulaye, Catherine Ceylac, Sarah Doraghi, Chékeba Hachemi, Mathilda May, Chantal Ladesous, Ariane Massenet, Florence Darel, Marina Carrère d’Encausse, Natacha Amal… Toutes copines de Nathalie Garçon qui les a si souvent habillées. Aussi dynamiques et joyeuses que glamour et resplendissantes dans ces velours, ces satins, ces soies, ces lignes fastueuses de 15, 20, 30, 35 ans d’âge et toujours aussi seyantes. Un bon test : le vintage ne meurt jamais. Les amitiés de Nathalie Garçon non plus.
La musique des années 80’s nous rappelait qu’à l’époque, on raffolait de la pop rythmée et que ça mettait une sacrée ambiance. Catherine Lara, cheveux blancs et violon, ouvrait les réjouissances, Loeb enchaînait en clin d’œil avec sa « ouate » - « ça fait un bail, hein ! ». Puis la superbe voix de la chanteuse Amina… Une atmosphère de libération joyeuse et sans calcul se dégageait sous les tentures pourpres. Juste le plaisir de profiter du lieu, et de la rigolade ensemble.
Caroline Loeb | Florence Darel |
Mais ce qui rendait la chose plus émouvante, c’est que, accompagnées de leurs grandes filles pour certaines, ces mannequins d’un soir avaient conscience d’être regardées. Et, avec audace, allégresse, elles franchissaient une forme de pudeur, se donnaient toutes entières pour un public touché, bluffé par leur énergie. Un morceau d’humanité. Dans les premiers rangs, il y avait entre autres Thierry Ardisson et son épouse Audrey Crespo-Mara, Laurent Ruquier, Nagui, Georges-Marc Benamou, animateurs et journalistes prompts à embrayer dans le cynisme. Eh bien, je les ai vu bluffés, amusés, ravis.
Défilant aux côtés de ces femmes éclatantes, fiers, fringants, très élégants en Emile Garçon (le fils !) : Christophe Willem, Charles Berling, Sly Johnson, Vincent Niclo, Paolo Calia, Roddy Julienne…
Ensuite, la fête, le défoulement ont duré jusqu’au petit matin, le moment de voir le palace boucler pour un an son portail de fer forgé.
Un féminisme intériorisé, sans agressivité
Au-delà du faste, ce défilé festif imposait un réjouissant constat : on peut être féministe sans être radical. Inclusif sans intolérance. Belle, beau avec toutes nos imperfections. Une génération jetait ses feux – pas les derniers ! - et diffusait en douceur et dans la bonne humeur, une leçon de vie : les années passent, les fragilités affleurent, mais intérieurement, l’âme, tel un grand cru, se bonnifie.
Catherine Schwaab
Nathalie Garçon avec Catherine Ceylac