DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
4 janv. · 2 mn à lire
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La contrefaçon du crime

La contrefaçon envahit tout. Même la mafia. Comme dans le luxe, certains petits caïds se font passer pour « la DZ ». Et parfois, la DZ proteste, drapée dans son courroux !

 On connaît les faux escarpins Chanel vendu chez Jonak et récemment retirés des rayons, les faux sacs Vuitton ou Prada qui prospèrent en Thaïlande, et ces temps-ci le faux Birkin de Hermès vendu par Walmart US, vanté sans vergogne, - « 100 dollars !» - par les influenceurs et surnommé le « Wirkin ». Il y a maintenant dans les journaux respectables comme Elle ou Grazia des conseils pour trouver « le même, en moins cher », c’est-à-dire le blouson qui ressemble à un Courrèges, le manteau qui ressemble à un MaxMara, la jupe (faux) cuir plissé qui ressemble à une Prada… Pour donner une apparence de légalité, on appelle ça des « dupes », pas des contrefaçons qui tombent sous le coup de la loi.

Un vrai Birkin d’Hermès entre 12’000 et 30’000 voire 300’000 pièce unique en croco

Une capture d’écran du site de Walmart qui vend ses “Wirkin” 93 dollars.

On sait que beaucoup de pièces détachées de machines industrielles, de voitures, d’avions… circulent sous de faux labels de fournisseurs officiels. Que de faux médicaments antibiotiques, anti-inflammatoires, anti-viraux, anti-cancer, anti-douleur se vendent et s’exportent sous la bannière de nos labos occidentaux, type Sanofi, Roche ou Astra-Zeneka.

La DZ, le Vuitton du crime ?

Maintenant, le grand banditisme entre dans cette logique. Oui, certains voyous se font passer pour « la DZ », afin d’effrayer leur cible. Vous ne pouvez pas ignorer le nom de DZ mafia. Elle a occupé les unes toute l’année 2024. Une pieuvre en passe de dépasser Cosa Nostra, dotée d’une trésorerie colossale, métastasée de Marseille à Paris, Bruxelles, Lyon… et qui maintenant cherche des appuis politiques via la corruption. Laquelle corruption est déjà bien implantée auprès des gardiens de prison.

Les pontes de la DZ occupés à corrompre

Il faut savoir qu’un « surveillant pénitentiaire » se fait en moyenne de 2500 à 2800 euros bruts par mois, ce qui fait dans les 2000 nets, soit environ 18 euros de l’heure. Des sommes dérisoires pour les nouveaux millionnaires du crime, dont beaucoup sont en prison. On l’a dit et répété : ils gèrent leur business de derrière les barreaux, avec leur portable, achetant le silence de leurs geôliers en doublant leur salaire.  Ceux-ci préfèrent collaborer plutôt que voir toute leur famille menacée. Bref, un système pervers. Et qui fait rêver les petits délinquants.

« Mamine » , « Gaby »,  « La Brute », tristes gloires de la terreur  

De g. à dr. “La Brute”, “Mamine” et “Gaby” gèrent leurs “affaires” depuis la prison.

Comme Bernard Arnault, François Pinault ou… Pablo Escobar génèrent des fantasmes de toute-puissance, les « Mamine », « Gaby » ou « La Brute » tous trois chefs de la DZ et actuellement en prison, illustrent un idéal de réussite. Leur « savoir-faire » est pourtant plus que sommaire : tu paies, tu obéis, tu me cèdes le terrain ou tu meurs. Comme dans le luxe, la DZ est en train de passer de l’artisanat de la terreur à sa mass-production pour atteindre son industrialisation. Et pour s’étendre, comme toute entreprise, il leur faut de la trésorerie. Tandis que Bernard Arnault grignote ses concurrents en rachetant leurs actions ou une participation au capital plus ou moins consentie (voyez Hermès piégé par ses petits actionnaires qui ont succombé aux offres du « vautour » LVMH), eh bien, les cerveaux de la DZ pratiquent des méthodes plus expéditives fondées sur l’extorsion de fonds. C’est brutal et radical. Les flics parlent de méthodes « à l’ancienne », comme au temps de la French Connection. Il y a du vintage dans le grand banditisme. Et il y a de la « fast fashion » aussi : ça consiste à amasser rapidement des territoires d’activité, avec des petites mains qui ne sont pas des ouvriers esclavagisés au Bengladesh, mais des gamins de 10-12 ans formés à la dure aux trafics et à la violence.

Usurpés par “des personnes malveillantes et mal intentionnées” ! Mais quel culot !

A voir œuvrer les « Vuitton » du crime à coups d’assassinats télécommandés, de rackets et de corruptions, rien d’étonnant à ce que ces gamins rêvent un jour d’en être. En attendant, certains s’approprient cette réputation effrayante pour faire leur beurre. Et c’est là que la DZ se drape dans sa dignité offensée : non, ce petit racket d’un épicier à Marseille dimanche (250'000 euros réclamés quand même) c’était pas nous ! Tout comme le meurtre du gamin de 15 ans brûlé vif, ou le chauffeur VTC abattu par un môme de 14 ans. De là à ce qu’ils se disent choqués… Ils ont des copyrights sur la façon de tuer ? Le gang s’est même fendu d’un communiqué filmé avec flingues et cagoules comme les indépendantistes corses ou basques : "Aujourd'hui notre nom est utilisé par de nombreuses personnes malveillantes et mal intentionnées qui n'ont aucun rapport avec nous". On croit rêver. A bas la contrefaçon du crime ! Il faut préciser que quand la « performance » les arrange, ils ne démentent pas. De là à y voir une « doctrine »…

La France, c’est pas l’Italie ! Vraiment ?


Les flics se veulent rassurants : « La DZ est puissante mais… On n’en est pas au stade de la pieuvre palermitaine, la corruption n’a pas (encore ?) pénétré les hautes instances de l’Etat. » Ah bon tant mieux.

Les juges Falcone et Borsellino, devenus héros et martyrs

Ils illustrent une pièce de monnaie

 Forcément, ils n’ont pas le temps de faire connaissance ; à peine le ministre et ses adjoints nommés, ils sont déjà virés. Cependant les juges restent. En Italie, Falcone et Borsellino ont payé de leur vie leur intégrité, leur pugnacité en 1992. Devenus héros et martyrs, ils suscitent toujours l’admiration. Et ont donné naissance là-bas à quantité de vocations vertueuses. La France devra-t-elle en passer par là ?

Catherine Schwaab