DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
11 déc. · 2 mn à lire
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Il y a "un moment" Barbara

Ces temps-ci et jusqu’en janvier, deux artistes raniment la « longue dame brune » avec une verve et une sensibilité qui ravissent la salle. Deux réussites. Caroline Montier chante, Catherine Pietri raconte sa vie avant la gloire. C’est magnifique.

Barbara dans l’émission Discorama 1960 (ah! Denise Glaser!). Photo Daniel Fallot/Ina

A côté de Barbara, serions-nous devenus “relous” ?

Dans notre époque portée sur l’affrontement systématique, sur le manque de nuance et sur l’esprit de persécution, qu’il est bon d’aller voir ces deux « shows » sur Barbara. Qu’il est enrichissant d’écouter son humour, sa légèreté, sa finesse, son intelligence désinvolte. Ces deux spectacles qui se donnent au même moment à Paris nous rappellent combien on s’est… alourdis. Alourdis au sens « relou ». Comme on qualifierait un dragueur bête et maladroit.

Le talent de ne jamais surligner

Que l’on aille écouter la divine Caroline Montier qui ranime Barbara au piano et en chansons amoureuses et sexys, ou Catherine Pietri qui raconte la vie de Barbara, gamine pauvre, mal aimée, abusée, incomprise, on est frappé par la sophistication de l’esprit. En tout, elle savait prendre de la hauteur, ramasser une souffrance ou un emportement en trois phrases, trois mots sans s’appesantir. Ses mots font mouche, on est bluffé.

Elle photographie et commente, termine sur un clin d’oeil. Le terme précis, la phrase agile qui résume une tragédie ou évoque une attirance érotique, et on est dedans. Il y a chez elle le talent de ne jamais aller trop loin. De ne pas surligner. Dans une clarté poétique mais accessible, elle ramasse un trauma ou une folle émotion.

Barbara aurait très bien su débattre aujourd’hui

Aujourd’hui, dans nos débats féministes et politiques, on rêve de cette limpidité sobre. En allant ré-écouter Barbara, on l’imagine aujourd’hui : elle ne se défilerait pas, elle aurait la phrase qui vous cloue, elle aurait “élevé le niveau”. N’aurait pas cherché à agresser, écrabouiller, avoir raison. Dans une conversation, un tour de chant, une master class, elle briserait cette dichotomie fruste qui caractérise la brutalité des points de vue aujourd’hui. Barbara possédait d’instinct une distance analytique qui désarme les excités (ées) les agressifs (ives).  

Caroline Montier

La voix, la dégaine de Barbara

Caroline Montier au Théâtre Essaion : le ton léger, poétique, complice et coquin

Caroline Montier – la petite quarantaine -, n’a pas connu Barbara. Pourtant, quand elle chante au piano, quand elle blague et ironise, c’est son portrait craché. Sa formation lyrique lui confère une justesse, une souplesse vocale époustouflante ; mais en plus, elle s’accompagne au piano comme si c’était naturel alors qu’il faut une concentration immense. Au fil de sa vingtaine de chansons « amoureuses », elle dépeint une femme libre, lucide, railleuse et sensuelle. Certaines chansons donnent le frisson, le public est charmé, transporté, subjugué. C’est Barbara vivante, actuelle, aujourd’hui, en 2024.

Catherine Pietri : la Barbara des origines

Catherine Pietri se glisse subtilement dans sa tête, ses souffrances et ses drôleries aussi

Catherine Pietri reprend les mémoires de la grande dame, avec par moments des instrumentaux de ses chansons. Elle raconte à la première personne qui était cette femme : une enfance, la guerre, le désir de chanter chevillé au corps, la transcendance par l’expression artistique. On comprend bien en l’écoutant que sa « plus belle histoire » c’est nous, son public. Pietri nous la fait ressentir, hors du “show” mais sans jamais donner dans le mélo.

Barbara, Karl Lagerfeld nous manquent !

Les mémoires ironiques interrompus de Barbara

Les férocités interrompus de Karl

Eternellement nostalgique de son ironie, de sa sensibilité, on songe à Karl Lagerfeld qui pratiquait la même dérision, le même regard humoristique. Avec ses formules hilarantes, il était plus français que les Français. Il est mort en 2017 et n’a pas été remplacé dans les débats. Barbara non plus. Décédée en 1997, à 67 ans, elle est bien plus qu’une auteur-compositrice-interprète, elle reste un pilier indémodable de notre culture. On s’interroge : sommes-nous en train de perdre ce qui fait notre spécificité française, l’art de la nuance et du second degré ?  

Caroline Montier chante Barbara amoureuse au théâtre Essaion les lundis et mardis à 21 h

Jusqu’au 7 janvier 2025

Barbara, mémoires interrompus d’après “Il était un piano noir”, les livre de Barbara

Au studio Hébertot, le samedi et le lundi

Jusqu’au 20 janvier 2025