DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
21 août · 2 mn à lire
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Scandale en Suisse : la multiplication du vin

Surprise : un viticulteur-encaveur arnaqueur suisse vient de se faire pincer : il vendait du faux vin valaisan. 

Les Suisses font des miracles. Cela, on le savait. Par exemple ce pays quadrillé par quatre langues et quatre cultures (des latins aux germaniques) réussit la prouesse de vivre en bonne intelligence. Un tour de force aux yeux des Français, car pour les Suisses, « c’est normal ! On discute, on s’écoute, on décide collégialement ». Suivez mon regard…  Pareil pour les immigrés : la Suisse en accueille 29 % contre 12 % en France. Eh bien, c’est en Suisse que leur intégration est la plus réussie, et de loin. Enfin, le cliché sur l’opulence des Suisses : il faut savoir qu’avant la deuxième guerre mondiale, les Suisses étaient bien plus pauvres que les Français, ils allaient même faire les domestiques chez leurs voisins, devenaient mercenaires dans les armées françaises, gardes au Vatican, s’exilaient en Argentine où, à force de persévérance, ils ont réussi dans les affaires, la vigne… 

La vigne justement, tient aussi du miracle, en Suisse : dans ce petit pays accidenté, saturé de montagnes, on réussit à planter des vignes et faire du bon vin (merci les vinificateurs français d’autrefois !) avec des récoltes sévèrement contingentées pour maintenir la rareté, la qualité, les prix… Eh bien, on apprend qu’en matière d’escroquerie aux grands crus, les Suisses font aussi des miracles. 

Il faisait passer pour valaisan du vin espagnol et schaffhousois

Le site des Caves des Cailles de Cédric Flaction

`Cédric Flaction, grande figure dans le milieu viticole, directeur des Caves des Cailles à Chamoson, en Valais, vient d’être pris la main dans le tonneau : de 2009 à 2016, il  élaborait d’éminents vins valaisans avec un assemblage  de vins espagnols et schaffousois. Schaffhouse est un tout petit canton au nord de la Suisse, au bord du Rhin, et leur Pinot hors de prix (entre 30 et 70 euros la bouteille) n’est connu que très localement. Or, l’habile escroc Flaction a dû lui trouver des qualités exceptionnelles propres à tromper le palais des meilleurs œnologues : en le mélangeant à des vins beaucoup plus charpentés et moins chers venus d’Espagne, il a réussi à faire croire à des vins du Valais AOC très prisés des amateurs : riches, subtils, tantôt fruités, tantôt minéraux… il en a égrené plusieurs cuvées. Et si l’on en croit le célèbre sommelier suisse Jérôme Aké Béda interrogé par le journal Blick, une touche de vin espagnol, disons 10 % dans un mélange, est indétectable.      

Fausses factures et savants mélanges

 Cédric Flaction dans sa cave Maison Rouge, il a une bonne tête qui inspire confiance

Cédric Flaction qui est ingénieur-oenologue, n’a jamais caché son goût pour les vins espagnols, il en commercialise sur son site, d’ailleurs. Hors de ses affaires hispaniques et de ses 5 ha de vignes valaisannes, il aurait falsifié près d’un million de litres entre 2009 et 2016. Avec ses savants cocktails, il empoché 11,8 millions de francs (idem en euros). Pour échapper aux contrôles, il faisait de fausses factures d’achats bidon à de petites caves valaisannes qui tombent des nues. Il faut savoir que le vin valaisan coûte deux ou trois fois plus cher que l’espagnol ou le Schaffhouse. Ca n’est pas seulement trahir les confrères qui se décarcassent pour maintenir le patrimoine vinicole, c’est désobligeant pour les Schaffhousois et les Espagnols, réduits à un anonymat honteux. Je n’ai jamais bu de vin de Schaffhouse mais j’ai goûté des crus du Priorat espagnol qui sont à tomber d’extase, la cuvée Pim Pam Poum entre autres qui s’exporte très bien. Ca n’est probablement pas celle qu’avait choisi Flaction pour ses alchimies, elle est trop chère.   

 Son business aurait pu continuer tranquille, mais en Suisse comme ailleurs, les contrôles finissent par mettre à jour les arnaques. Et comme dans les cold cases, le nom de Flaction était apparu en 2015 lors des cas de fraude similaire d’un collègue encaveur, Dominique Giroud. Depuis, les fins limiers du pinard l’avaient à l’œil, et Flaction est tombé. Son procès démarre le 26 août. 

 

Il était bon, son vin ! 

Rudy Kurnawan à Hong Kong, un virtuose de la fraude envers les millionnaires. Il est sorti de prison en 2021.

Le plus fort c’est que, comme Rudy Kurnawan, le plus grand escroc mondial (qui falsifiait des Romanée Conti à 100'000, 500'000 dollars la bouteille), ce n’est pas le goût douteux de ses breuvages qui l’a trahi mais le croisement des comptabilités qui a révélé de fausses factures. Avant 2015, les enquêteurs des diverses brigades ne recoupaient pas les comptes. Quant aux clients, « Mövenpick Wein », par exemple, ils étaient très contents de leurs bonnes bouteilles suisses. Dommage pour la réputation nationale.

Le miracle suisse c’est aussi ce souci d’intégrité. Ce pays où l’on peut encore laisser la clé sur sa voiture ou sur sa porte (enfin, pas trop longtemps), entend assumer les failles d’un système économique encore et toujours fondé sur un parti-pris d’honnêteté. Une différence intrinsèque avec la France où les contrôleurs partent du postulat que tu triches. 

Catherine Schwaab