La France des châteaux : Des rêves de noblesse... et de révolution
Pour comprendre - un peu - l’esprit français, à la fois monarchiste et contestataire, il faut visiter leurs châteaux. Des splendeurs qui subjuguent et créaient des jalousies. Aujourd’hui, on les regarde comme un moment de notre Histoire, on y monte des expos, des spectacles. Et on comprend pourquoi les Français ne seront jamais... des Américains.
Ces temps-ci, la France offre l’affligeant spectacle de ses divisions, avec un « Jupiter » - ou un Louis XIV ? - qui prend un malin plaisir à voir ses sujets s’entredéchirer. Pauvre « royaume » qui tente d’apprendre le pouvoir « fédéraliste » à coups de compromis impossibles. Les Suisses et les Belges leur donnent des conseils, mais, « avec ton “histoire de France” et ton caractère d’enfant assisté, bon courage ! »
45 000 châteaux, ça marque le cerveau national
Les Suisses et les Belges, justement ; ils sont les premiers à venir s’extasier sur nos châteaux de la Loire. Combien y en a-t-il en France ? 1000 ? 10'000 ? plus de 45000 châteaux – dont 11'000 classés monuments historiques. Le pays compte 36000 communes, ça veut dire plus d’un château par commune ! Certains appartiennent à des propriétaires privés et n’ont pas fait l’objet d’un classement. Ca donne une idée de l’esprit féodaliste, royaliste du pays. On comprend mieux, en visitant ces splendeurs architecturales, le saut sémantique que doivent accomplir les Français imprégnés malgré eux de leur passé versaillais. Les Suisses n’ont pas connu ces monarchies spectaculaires ; et les Belges non plus, dont la famille royale, accessible, pratique une tranquille complicité avec son peuple.
Mais puisqu’ils sont là, ces châteaux, autant les visiter pour mieux saisir ce qui fait « l’exception française ». Il y en a pour tous les goûts : du château fort médiéval, sorte de forteresse construite entre le Xème et le XVème siècle pour la défense du pouvoir féodal (il y en aurait plus de 13000) jusqu’aux châteaux classiques et baroques apparus au Siècle des Lumières, XVIIème et XVIIème, débordant de luxe et d’apparat, en passant par les très beaux châteaux Renaissance, datant du XVIème et marquant la transition entre le Moyen-Age et l’époque moderne. Bref, de l’histoire et de la beauté plein les yeux, et franchement sans grand effort. Comme visiteur, il suffit de se laisser porter.Que vous alliez à Chambord, le plus grand, à Chenonceau, spectaculaire, qui enjambe le Cher, ou à Amboise, lieu de résidence des rois de France, vous entrez dans l’enceinte, et vous changez de monde. C’est toujours grandiose, fastueux, à la fois à taille humaine et démesuré. Vous vous projetez sans peine dans le quotidien de ces demeures.
Le château de Chenonceau
A l'intérieur de Chenonceau
Le Château Clos Lucé : Leonard de Vinci adorait
Clos Lucé vu du parc
L'atelier de Leonard de Vinci à Clos Lucé
L’autre jour, je suis allée à Clos Lucé, tout près d’Amboise. Pourquoi Clos Lucé ? Parce que Leonard de Vinci y a vécu, travaillé et y est mort, de 1516 à 1519. Ensuite parce que pour deux jours encore, jusqu’au 13 juillet, l’excellente Raphaëlle Cambray y met en scène « Le Testament Médicis » de Stéphane Landowski, une pièce d’une heure et demie que j’ai vu à Paris, au théâtre Lepic. Mais là, on est dans le décor même du peintre de La Joconde, et c’est l’histoire épique de ce tableau de Mona Lisa que raconte la pièce à travers quatre acteurs formidables. Ca se passe dehors, dans la courette du château, et c’est magique. Ensuite, comme il y a trois cafés et restaurants, on peut prendre un verre, grignoter dans les jardins de roses. Un charme fou, comme savent l’imaginer ces sacrés Français qui s’y connaissent en matière de séduction.
Cette pièce sur La Joconde de Leonard se joue dans la courette du château jusqu'au 13 juillet
Clos Lucé, c’est surtout l’occasion de venir - toute l’année - parcourir la vie de Léonard de Vinci en France. Ses inventions, sa chambre à coucher, son atelier, sa cuisine, sa salle à manger… On redécouvre son génie protéiforme, toutes ses trouvailles d’architecte, de designer, de peintre. Il a créé des villes, des palais, des systèmes hydrauliques, des outils de transport, des ponts auto-portants et des ponts tournants, des chars d’assaut, les futures automobiles, des appareils optiques, de l’aéronautique… C’était un cerveau hors-normes. Tout est passionnant dans ce parcours, et très bien mis en espace, très pédagogique. Les ados adorent la salle des maquettes par exemple, au rez-de-chaussée du château. Il y a aussi Le parc de Leonardo, une merveille poétique où on déambule parmi les plantes ; et aussi une expo sur les parfums de l’époque de François 1er – c’est lui qui avait invité Leonard de Vinci en France, lui donnant les moyens d’élargir ses recherches et projets. Il y a enfin une salle de projection immersive, très bien faite. Et bien sûr, les connaisseurs peuvent se pencher sur des centaines de ses dessins et croquis du maestro (il en a laissé 100'000 !), on « voit » la main de l’ingénieur, de l’anatomiste, de l’artiste. C’est étourdissant, bravo à la famille Saint Bris à qui Clos Lucé appartient depuis 1854.
La salle des maquettes de Léonard de Vinci réalisées par IBMLe pont auto-portant de Leonard de Vinci
La chambre à coucher du maestro
Ensuite, si, comme moi, vous n’avez pas envie de quitter ces délices royaux, eh bien, il vous reste à faire votre entrée au château d’Amboise, en plein centre de cette cité ravissante et très animée. Dînez à Amboise, déambulez dans les rues anciennes, passez’y une nuit, prenez-vous pour Marguerite de Navarre, avant de rejoindre la France d’aujourd’hui, celle qui fait moins rêver mais où le « peuple » a désormais les moyens de réussir sa vie et de se faire construire son propre château. Oui, la France des palais reste une fierté, mais malgré les infernales batailles politiques, on vit mieux aujourd’hui.
Le château d'Amboise
Catherine Schwaab
Catherine Schwaab
Paris Match - Sciences Po - IFM - Personnalités, mode, tendances et découvertes
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