DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
14 oct. · 3 mn à lire
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SOS ! Où va la mode ?

Chanel cherche un nouveau styliste. Margiela et Céline aussi. Chez Dior et chez Gucci, ça pourrait bouger aussi. Cherche-t-on des « compétences » ? Ou des « followers » ?    

Ces temps-ci le monde du luxe bruisse de rumeurs surexcitées sur le « vrai » successeur de Karl Lagerfeld chez Chanel. Virginie Viard, son bras droit (pendant 30 ans !) qui avait vaillamment pris le relais depuis 2019, s’est éclipsée abruptement juste avant la fashion-week Haute Couture en juin dernier. A 62 ans, elle est la mémoire de Chanel. Techniquement – construction des vêtements, composition des tweeds, des galons, des broderies…- historiquement – la vie de Gabrielle Chanel, son orphelinat, ses vêtements, ses amants, son ascension, ses étapes d’inspiration, ses opinions…-, commercialement – les collections les plus vendeuses, les flops, les prix exorbitants, et les clientes…- affectivement – les rivalités, les désaccords, les clashes, les fiestas, les égéries, les larmes... Chanel est un roman. Mais contrairement à « Karl », Virginie Viard est une tombe. Refusant les interviews, peu portée sur les flashes, c’est à peine si elle faisait trois pas sur le podium pour venir saluer après son défilé. Des défilés critiqués, forcément ! Après le maestro adulé, n’importe quel génie aurait essuyé les pires blâmes. Stoïque, c’est la pauvre Virginie qui s’y est collée.

« Virginie Viard , jamais un mot plus haut que l’autre »

Virginie Viard…

Et l’un de ses modèles en 2022

Dévouée jusqu’au bout à cette maison, elle en a dirigé l’immense studio de création. Un excellent manager : « Jamais un mot plus haut que l’autre, décrit Loïc Prigent, réalisateur qui la connaît bien, aucun autoritarisme de sa part. Je n’ai jamais assisté à des clashs ou à des crises de nerfs géantes comme dans certaines autres maisons. Là, chez Chanel avec elle, c’était plutôt luxe, calme et volupté. » Avec une telle réputation, on se doute qu’elle n’aura aucun mal à trouver un autre job. D’autant que sous ses cinq ans de règne, les ventes ont augmenté. Mais de quoi a-t-elle envie ? A part Hermès, aucune maison de mode n’égale l’élitisme de Chanel.  

« Combien de followers ? »

On parie que pour les patrons de la maison Chanel, - les frères Wertheimer les financiers, et Bruno Pavlovsky le PDG -, un management serein n’est pas la priorité. L’obsession de tout le monde aujourd’hui, c’est « combien de followers ? » Quand vous distribuez le casting d’une pièce de théâtre, c’est pareil : le directeur qui co-produit votre pièce fonce sur l’Instagram des acteurs, peu importe leur talent. Passons.

Dans la mode, on essaie à chaque fois de trouver un équilibre entre le buzz, les nouvelles stars amies de la maison, une touche de scandale, et… un peu de savoir-faire tout de même.

Démissionner comme Slimane ? Ou se faire virer comme Michele ?

Kaia Gerber et Hedi Slimane au défilé Celine à Los Angeles en décembre 2022 (Robert Smith/Getty Images)

Des noms circulent depuis l’été : ces temps-ci c’est Hedi Slimane qui tient la corde, 56 ans, il quitte Céline avec succès, après avoir « remonté » Saint Laurent ; mais il y aussi le jeune Jacquemus, 34 ans, chouchou des chroniqueuses mais un peu vert encore, John Galliano, 63 ans, qui vient de quitter Margiela après 10 ans (au grand regret de son patron Renzo Rosso) et 14 ans chez Dior. Et on parle même de Maria Grazia Chiuri, 60 ans, toujours chez Dior depuis 8 ans, mais jusqu’à quand ?

Vaut-il mieux prendre les devants comme Hedi Slimane et Galliano ? Ou attendre d’être fichu dehors comme Virginie Viard, Alessandro Michele (viré de chez Gucci en 2023) ou le regretté Alber Elbaz (jeté de chez Lanvin en 2015 malgré des ventes en hausse) ? Un syndicaliste vous conseillera d’attendre d’être licencié pour gagner plus. Mais à ce niveau de salaires, de célébrité, et dans un petit monde où on est tous appelés à se re-croiser, un départ trouve toujours son arrangement financier.   

A quoi sert la mode ? à militer ? Ou à embellir ?

Kim Kardashian s’est entichée de Balenciaga par Gvasalia

Au-delà des potins, en cette année 2024, le mercato mode prend des résonnances tragiques : les chiffres de vente sont en baisse partout (sauf chez Hermès) parce que le marché chinois est en crise. Et vu les grands noms invoqués dans les gazettes, on se dit que les PDG recherchent des profils vraiment « compétents ». En clair : un designer capable de respecter l’héritage stylistique de la marque, et non pas imposer ses fantaisies à tort et à travers. Cela, ça marche un temps… Les mauvaises langues ont prétendu que Michele chez Gucci s’était trop éloigné du « patrimoine ». Il avait triplé les ventes. Mais à quel prix aujourd’hui ? Ce fut tout le talent de « Karl » : cultiver le « socle » Chanel, reconnaissable entre mille (et copié partout), et décliner du girly, du rock, du grunge à côté.

En 2024, est-ce la conscience écologique ? Ou une lassitude ? On repère beaucoup de vintage et de « néo-bourgeois », c’est-à-dire : du portable qui embellit. Ni trop large, ni trop étriqué, ni exagérément oversize, ni vulgairement trop court. Suivez mon regard : l’hérésie, c’est Demna Gvasalia, 43 ans, chez Balenciaga. Je ne parle pas de la polémique de la campagne de pub accusée de promouvoir la pédophilie, un petit dérapage dans la logique de ses provocations. Non, au risque de sembler conservatrice, je parle du style de Cristobal converti au street-style, au trash, au look prolo par le créateur georgien qui milite « pour une mode politiquement engagée ». C’est ce qu’il faisait très bien avec sa marque « Vêtements ». Il devrait se concentrer sur elle.

Un modèle de Cristobal Balenciaga exposé

au V & A Museum à Londres.

Des modèles Armani dans son musée personnel à Milan

Et Kering, propriétaire de Balenciaga, devrait appeler Virginie Viard pour ranimer l’impeccable couture du maestro espagnol. Et ouvrir une tendance pas si rétro : revenir VRAIMENT à ce qui faisait le style originel et original des maisons. Une stratégie qui rapporte. Voyez Armani, 90 ans ( !). Toujours renouvelé, mais toujours lui-même. Quand tous les autres ont perdu 20 %, en 2024, son chiffre d’affaires a tenu : + 6 %. Que demandent les riches ?

Catherine Schwaab