DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
11 août · 2 mn à lire
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Pourquoi les méchants, les violents, les brutes dominent le débat ?

La cérémonie d’ouverture des JO est l’occasion de pointer une fois de plus l’impact excessif conféré aux mesquins qui critiquent tout. 

Pourquoi les critiqueurs, les agresseurs, les méchants ont-ils plus de facilité à se faire entendre que les compréhensifs, les empathiques, les gentils ? Parce que c’est brut de décoffrage, que ça fait de l’audience ?

 Prenez la cérémonie d’ouverture des JO : pourquoi les vieux tromblons réacs ont-ils eu tant d’échos alors que 95 % des spectateurs et téléspectateurs étaient emballés ? Le fait est tellement énorme sur ce coup-là que ça oblige à y réfléchir. 

 

 Thomas Jolly et Daphné Bürki sur BFM-TV

 

A voir les deux pauvres créateurs Thomas Jolly (toutes les mises en scène) et Daphné Bürki (tous les costumes) obligés de répondre sur un plateau télé à des critiques bornées, fermées, ras des pâquerettes était une insulte. Une insulte à deux ans de travail, de création, de réflexion, d’interrogations où TOUTES les questions, tous les points de vue ont été posés, pesés, discutés. Je dois dire que j’ai admiré leur patience et leur indulgence devant tant de récriminations bêtasses (qui allaient de Mélenchon moi-moi-moi à la droite extrême) : et « la tête sanglante de Marie Antoinette », et « la nudité de Philippe Katherine » et « les drag-queens », et « les blacks » et « l’absence de Napoléon, de Gaulle… » Ils auraient célébré les grands hommes, le roi Soleil et le chic Chanel qu’on le leur aurait reproché.  

 

Générer des ondes négatives, et même pas honteux !

 

Pourquoi une seule critique négative d’un spectacle, d’un film, d’un concert a-t-elle plus d’impact que cent critiques positives ? Tous les artistes vous le diront : il suffit d’une insinuation perverse, d’un « bémol » coup de pied de l’âne pour casser la confiance en soi. Pour balayer toutes les éloges. On ne se souvient que du coup de poignard. Non seulement ça fait mal, mais ça instille le doute, ça casse l’enthousiasme. Voilà pourquoi certains critiques (dont je fais partie) décident de ne pas gaspiller son temps, sa plume à incendier une prestation. Tant d’autres méritent qu’on s’intéresse à elles. Pourtant, certains journalistes avouent : il y a une délectation à démolir, piétiner, trouver la formule assassine. Une descente en flammes peut vous tailler une fière réputation ; tu parles d’une fierté. 

 Le cerveau humain aurait-il une propension à préférer les ondes négatives ? Eprouve-t-on une délectation à voir un créateur (-créatrice), une star, un génie se faire mettre en pièces et humilier ? Sommes-nous intérieurement si noirs ? Ou si frustrés ? Car il y a dans cette jouissance une mesquine réaction de jalousie : « Comme je ne suis pas à son niveau de gloire, de talent, de chance, je te détruis, je te vomis. »  Honte à toi. 

Est-ce une spécificité française ? Il est vrai qu’on observe régulièrement la différence avec les Américains qui, tout simplement, aiment aimer, aiment être emportés par la ferveur. Ils ont un esprit « sport » qui reconnait les qualités et sait les applaudir. Serions-nous pires encore que des mauvais perdants ? Des hargneux intrinsèques ? Enfin, pas nous ; juste la minorité ronchonne. 

 

Un pigment de noirceur dans la joie collective

 

Néanmoins, les critiques prétendument fondées, « trop provocateur-trop scandaleux- trop irrespectueux-trop métissé », eh bien, elles s’écoutent ; mais arrêtons de les faire primer sur le plus grand nombre qui a adoré se laisser emporter par l’émerveillement. Car en cassant une telle création collective, on casse du même coup l’immense élan humain qui s’y rattache. Voilà la conséquence perverse : pour deux phrases méchamment balancées, on refroidit l’allégresse universelle, chaleureuse, partagée, bienfaitrice. 

 

En sport, en politique, juste être fair-play

 

On croit que cette propension à dénigrer, chercher le défaut est le signe de notre capacité à « ne pas se laisser avoir ». Un Américain, ça gobe tout, c’est bien connu. Tandis qu’un Français ne s’en laisse pas compter. Un Français, il va plus loin, il analyse, il est subtil. Vraiment ?

Alors expliquez-moi SVP pourquoi une opinion humaniste, nuancée, ouverte est-elle moins entendue que des attaques brutes, violentes, à l’emporte-pièce ? Suivez mon regard. Oui, je veux juste pointer l’incapacité ontologique de nos concitoyens, députés, et politiques, à écouter l’autre, dialoguer, se concerter, composer. Même quand on ne s’aime pas, on doit dominer ses pulsions. Modérer ses propos et répondre, comme l’ont fait « les provocateurs » Jolly et Bürki, pourtant intérieurement mortifiés. C’est un signe de civilisation. Après les JO - un exemple de fair-play -, il va falloir y penser sérieusement. 

Catherine Schwaab