Les macho-masculinistes, des enfants perdus ?

Les sociologues alertent sur une population grandissante d’hommes frustrés et agressifs qui basculent dans une révolte de phallocrate primaire. Au secours !  

Le masculinisme ? Un terme soft pour décrire une tendance dure. Pour résumer, c’est une nébuleuse qui se fonde sur les frustrations de certains hommes complexés. Complexés par quoi ? Par le mouvement d’émancipation des femmes. Le phénomène n’est pas nouveau. Mais récemment, le Haut Conseil à l’Egalité s’inquiète de voir de plus en plus de jeunes s’engouffrer dans la brèche de clichés rétrogrades. En gros, l’homme alpha se fait « bananer » par des Mélusine manipulatrices qui rêvent de le dominer.

Une oeuvre de Kasia Wandycz pour illustrer ces mecs inquiets, mal dans leur peauUne oeuvre de Kasia Wandycz pour illustrer ces mecs inquiets, mal dans leur peau

Il y aurait sept à huit millions de clients de moins de 35 ans sur des comptes Instagram et TikTok qui prônent bêtement le retour à l’ordre machiste. Femme douce et soumise, homme protecteur et autoritaire. Les propos sont tellement énormes sur certaines vidéos qu’on a envie de rire. Mais non, c’est du premier degré. On se souvient de la fameuse vidéo du footballeur Adel il y a un ou deux ans (800'000 followers quand même) qui interdisait à sa femme d’avoir des amis hommes, de partir en voyage seule, de s’habiller moulant, de s’afficher sur les réseaux, etc… Des clichés tellement République islamique qu’on s’est demandé s’il était tombé amoureux d’un taliban ou s’il avait fumé la moquette. Rappelé à l’ordre, ledit Adel a prétendu « parler au 2ème degré ». Mouais. Son démenti n’a trompé personne.

 

La secte Mankind Project, une arnaque pour mecs perdus

Un "Déchiré" de NADJI pour illustrer ces pauvres hommes emberlificotés dans leurs clichés machistes... Un "Déchiré" de NADJI pour illustrer ces pauvres hommes emberlificotés dans leurs clichés machistes...

Et voilà que le phénomène prend de l’ampleur, se structure autour de « coachs en séduction » et de « Mankind Project ». Une secte très louche, ce MKP, qui organise des séminaires pour retrouver sa virilité. Comment ? en courant à poil par 5 degrés, en réduisant ses heures de sommeil à 4 heures, sa ration alimentaire à une poignée d’amandes, en prenant un nom d’animal (!), en se pliant à des confessions impudiques, et ainsi affaibli, en intégrant une série d’injonctions débiles autour de la « masculinité sacrée », allusion au « féminin sacré », tout aussi délirant. « Sacré » pourquoi ? parce qu’il faut un élément mystique pour faire passer la pilule. Pour donner l’espoir de sortir d’un mal-être, il faut une pensée magique. Le séminaire va vous transformer en « King » irrésistible.

L’organisation joue sur du velours face à des mecs fragilisés. Physiquement et psychiquement, on l’a compris. Ils souffrent – comme les femmes pendant des siècles – d’une insécurité, d’un manque de confiance en soi. Bienvenue au club.

Dans la population féminine, l’affaire est loin d’être réglée. En gros, certaines filles, femmes, ont toujours – souvent - peur de « ne pas être à la hauteur » ; on n’ose pas pousser ses ambitions, on n’ose pas trop s’imposer, on reste encore sur sa réserve… Mais au moins on en a pris conscience. Il est clair que la nouvelle génération se montre beaucoup plus offensive qu’on l’a été. A leur âge, on n’avait pas le pouvoir ni le culot, on enrageait silencieusement. Il n’y a qu’avec les années, l’expérience qu’on a pris de l’assurance, décidé de l’ouvrir, d’assumer nos désirs, nos ambitions, nos envies, nos critiques. La génération suivante poursuit le travail. Le détricotage de notre inféodation. C’est pas gagné.

 

Un « guerrier » ? un « amant » ? le machisme ne meurt jamais

Attirantes ? ou redoutées ? Les femmes...  Une photo de NADJIAttirantes ? ou redoutées ? Les femmes... Une photo de NADJI

 Le paradoxe c’est que ces hommes complexés sont jeunes, ils n’ont pas connu le machisme primaire d’autrefois, et pourtant ils en ont la nostalgie. Qu’on le veuille ou non, dans les milieux peu éduqués, très religieux, l’image de l’homme n’a tout simplement pas évolué. Comment agir devant ces bataillons de filles déterminées, qui ne plient plus l’échine, et qui néanmoins les attirent ?  Agresser ou se détourner ; car ils ignorent comment les séduire. S’imaginent qu’en devenant de « nouveaux guerriers », elles vont craquer. L’association MKP invente un registre pour bluffer sa proie et reprendre le pouvoir : devenir « un roi », « un guerrier », « un amant », « un magicien ». Des jeux de rôles pour petits garçons. Les pauvres mecs y croient, persuadés que c’est ainsi qu’ils vont conquérir… et mater les femmes. Tout dans le rapport de forces.

Bâillonnés, ces messieurs ? Une photo de Kasia WandyczBâillonnés, ces messieurs ? Une photo de Kasia Wandycz

Complètement à côté de la plaque, ils investissent sur un bras mort. Ne voient pas que des femmes soumises, il y en aura de moins en moins. Aveuglés par leur rancœur, ils font leur crise d’enfants gâtés : 37 % s’avouent « en colère contre un féminisme qui menace ma place », s’indignent contre « un Etat qui me traite moins bien que les femmes ». Il ne reste plus aux femmes qu’à faire ce que eux n’ont jamais fait pour nous : les rassurer, les mettre en valeur. Mais en plus et surtout : ne pas les élever dans l’idolâtrie et le fantasme de toute-puissance.

Catherine Schwaab

Le roi ? Il est nu... une photo de Kasia WandyczLe roi ? Il est nu... une photo de Kasia Wandycz

 

DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Par Catherine Schwaab

JOURNALISTE MULTI CARTE Paris Match

Fashion Mode d’emploi (Flammarion)

Sciences Po - HEI Genève

Théâtre. Expos. Sorties. Restos. Toutes les tendances.

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