DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
11 nov. · 2 mn à lire
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Un déferlement de vieux ? Mais il y a vieux et vieux

Quand on a franchi la cinquantaine, la soixantaine, on ne peut s’empêcher d’être un peu gêné. Gêné pas ces nouveaux chiffres démographiques : en 2030, il y aura plus de personnes de plus de 65 ans que d’individus de moins de 20 ans. Est-ce vraiment un drame  ?

L’OMS estime même qu’en Europe, les plus de 65 ans sont déjà plus nombreux que les moins de 15 ans. Un basculement inédit qui accuse. Les vieux vont peser sur les jeunes. Voilà la raison de cet embarras. Comme si, en 2024, à 65, 75, 85, on se goinfrait de vacances et d’oisiveté aveugle, payés par nos descendants.  

Or, si j’observe mon entourage, ça n’est pas du tout ça. Les sexas, septua, octo’ voire nona’ que je côtoie sont tous actifs.

Les métiers intellos conservent

Je pourrais nommer des dizaines d’écrivains, de chroniqueurs, de politiques, d’artistes du show biz, des arts ou de la mode, de patrons... Des métiers intellos, ok, mais tous continuent de bosser, sans exception. Ils ont eu des carrières de journalistes, d’acteurs, de réalisateurs, de producteurs, d’attachés de presse, d’enseignants, de créateurs-designers, de chefs d’entreprises, de gestionnaires en tous genres, d’architectes, de guides touristiques, de juristes, de comptables… Aucun d’entre eux ne se résout à arrêter sa course. Certains ont été très bien payés et ont cotisé lourd, d’autres touchent une retraite pas toujours confortable - surtout quand, comme dans ces métiers-là, vous avez eu des années de « free lance » et de cachet non déclaré - mais leur petit fixe Sécu-Agirc-Arco leur permet de travailler gratuitement sur des projets auxquels ils croient. Un journal, un théâtre, une chaîne Youtube, un restau, une boutique, une fondation, une start-up… Ils mettent leur expérience au service des plus jeunes.

Des journées actives, autrement

Françoise Fabian a franchi les 80 et vient d’enregistrer un disque avec Leonard Lasry

La styliste Nathalie Garçon (châle orange) a franchi la soixantaine et a converti sa marque aux fringues recyclées-customisées grâce aux artisans et aux fripes de la Tunisie

 Ils ne dirigent plus, ils suivent la stratégie élaborée par d’autres, c’est nouveau pour eux. Ils travaillent peut-être moins intensément, dorment un peu plus, deviennent conseillers, « consultants », « collaborateurs », prennent le temps de répondre à tous leurs mails, n’ont plus envie de se mettre la pression. Quoique, un peu de stress te tient vivace.

A plus de 70 ans, le journaliste Laurent Joffrin a lancé son journal digital Le journal.info où il rédige chaque jours sa très pertinente chronique.

A 96 ans, en mars dernier, Serge Rezvani exposait ses peintures, anciennes, ok, mais il répondait aux interviews avec la vivacité d’un jeune homme.

Ils font de la gym, un régime (alors que chez les jeunes le taux d’obésité grimpe en flèche), se cultivent, apprennent une langue, et je ne parle pas du job harassant des petits-enfants à garder. Ces petits-enfants qui apprennent avec leur mamy-papy des trucs que les parents n’ont pas le temps de leur montrer.

Ces petits-enfants qui, anticipent les statisticiens, regarderont leurs aïeux d’un œil accusateur : les vieux vont peser sur le régime de la Sécurité Sociale ?

Les grands-parents aidants valent 2 smic

Sachant que 20 % des grands-parents fournissent une aide logistique régulière à leurs enfants, un organisme privé de mise en relation de particuliers avec des professionnels a chiffré leur apport dans la famille : ProntoPro estime qu’entre leurs jobs d’animateur, de chauffeur, de cuisinier, de soutien scolaire (et argent de poche), de remplaçant impromptu, aux tarifs du marché, ils pourraient gagner deux smic !

Et je ne parle pas que de leur force de travail. Je parle de leur bibliothèque de souvenirs et de pédagogie. De leurs balises dont les jeunes générations manquent cruellement. C’est un peu cliché, mais tant pis : quelque chose comme l’exemple, la générosité, la morale, une discipline, une écoute, et un regard indulgent, calme, désintéressé. Le nombre de stars interviewées qui m’ont évoqué leurs grands-parents !…

En 2024, on n’est plus les même vieux

Leur obsession, à ces seniors, je l’entends constamment, c’est « de ne pas peser sur mes enfants ». Ils mènent leur vie autonome, s’organisent entre eux pour s’entraider, surveillent leur santé, leur cerveau – le spectre d’Alzheimer ! – et leurs réseaux. Certains se remettent en couple, merci « Disons demain » ! Alors qu’autour d’eux, les trentenaires, les quadras manquent de “créneaux” amoureux sur leurs agendas.

Avoir 65, 75, 85 ans aujourd’hui n’a plus rien à voir avec les années 60-70. Parce que quand les vieux ne décrochent pas, le dialogue entre générations persiste, les désaccords, les discussions. C’est ce qui maintient une relation vivante. Vieillir en 2024, c’est rester juvénile plus longtemps. Et c’est bien utile à la société.

Catherine Schwaab