Les JO font une pause, ouf. Buvons un coup à la santé des sportifs. Et observons qu’entre le vin, la vigne et le sport, les points communs sont nombreux. Santé !
Il était temps que ça s’arrête. Ces JO et leur frénésie compétitive. Et que je te batte au filet, et que je te dépasse d’un cheveu, et que « j’ai tout donné » et que je vais « au bout de moi-même » et que « je ne lâche rien » et que « mon mental » et « que du bonheur » … Ouuuuhhhh, le « bonheur » de parler d’autre chose. D’entendre d’autres voix que celles de ces surexcités de commentateurs. Un vocabulaire plus diversifié, des adjectifs plus recherchés, des sujets de conversation plus larges que « plus vite », « plus fort », « gagné », « perdu »…
Non que je ne sache apprécier la combattivité des athlètes et leurs sacrifices en guise d’apostolat, j’ai même découvert des talents insoupçonnables dans le ping-pong et dans l’escrime, mais de tout ce cirque, j’ai préféré les cérémonies d’ouverture et de clôture, ces shows uniques qui nous rappellent que l’homme possède un imaginaire capable de nous transporter loin dans les rêves et pour longtemps.
“Le nectar des dieux” aussi grisant que les JO
Lucas Gonzalez (qui signe aussi la mise en scène) et François Piel-Flamme (à dr.) après avoir “descendu” plus d’1 heure de show et pas mal de verres
Que vous soyez sportif ou languide, accro aux performances musculaires ou accro à la contemplation, il est un spectacle (actuellement à Paris) que je vous conseille juste pour changer d’air : « Le nectar des dieux » est une pièce à deux comédiens qui dure une heure 05 et vous raconte tout sur l’histoire du vin. Oui, c’est une autre ivresse que celle du sport, mais ô combien évocatrice ! Et partagée par la terre entière. Qu’on gagne ou qu’on perde aux J.O., on en débouche une. Pour fêter la victoire ou pour noyer son chagrin. Bon, on peut ne pas boire. Mais on ne peut pas ignorer cet élément fondamental de notre culture, on s’en rend compte au fil du récit de nos deux compères qui réalisent là une fabuleuse performance sportive. Le cerveau en plus.
Des premiers vins (imbuvables) des Grecs, à ceux améliorés par les Romains, jusqu’au minable Gamay d’aujourd’hui (que, visiblement, l’auteur tient pour de la piquette !) en passant par les plus nobles Bourgogne, Saint Estèphe et Dom Pérignon, François Piel Flamme le maigrichon, et Lucas Gonzalez le baraqué nous emportent dans un tourbillon de découvertes scientifiques et d’anecdotes historiquement vérifiées. C’est riche, drôle, passionnant, grisant !
Des acteurs-athlètes
François Piel-Flamme
Lucas Gonzalez qui est aussi le metteur en scène
Quelle idée géniale qu’un tel sujet. Les trois auteurs paient de leur personne : Luca Gonzalez assure la mise en scène et parfois remplace un des deux acteurs-co-auteurs François Piel-Flamme et Hugo Klein (comme l’autre soir). Ils doivent perdre deux kilos à chaque représentation… même s’ils n’arrêtent pas de picoler. Des athlètes, en vérité. A la sortie, mis à part l’envie d’aller se prendre un apéro, on peut aussi acheter le texte, ça vaut le coup.
Le vin, un sport, un concours où tout le monde gagne
Le vin, mine de rien, c’est aussi fort que le sport de haute compétition. Et pas seulement parce qu’on lève le coude ; ça tient autant de la science (les assemblages, les molécules aromatiques, les métamorphoses, les maladies, les traitements…) que de la prouesse sportive (allez donc travailler une semaine avec un vigneron avant et pendant la récolte) et de la transmission pédagogique, éveil des sens et révélation des terroirs… Essayez d’identifier les goûts, les cépages, la région, l’année… Et je ne parle pas de la convivialité, des découvertes culturelles, des rencontres muettes qui se passent d’entrée en matière… Un sport de l’esprit autant qu’une compétition de savoir-faire, de savoir-vivre. Mais là, on ne cherche jamais à abattre l’adversaire.
“Les gouttes de Dieu”… et la France
La série de France 2 “Les gouttes de Dieu” tirée d’un célèbre manga
D’ailleurs c’est bien pour cela que des producteurs franco-américano-japonais en ont fait une formidable série, « Les gouttes de Dieu », aussi addictive qu’un grand cru (sur France 2). L’addiction ? elle existe aussi dans le sport. Et elle ne tient pas au vin, à la drogue, à la secte…, elle tient à votre propension à l’addiction. Certains y cèdent, d’autres pas, question de nature.
En parlant de nature, entre le vin et le sport, il existe un ultime point commun : l’un et l’autre fonctionnent comme un sérum de vérité. Impossible de tricher. Eh bien, à la surprise générale, la France est gagnante sur les deux tableaux. Esprit sportif et talent gustatif. Une victoire sur son image prétentieuse et ronchonneuse. Si ça pouvait durer...
Catherine Schwaab
« Le nectar des dieux » à 19 h jusqu’au 1er septembre 2024
Théâtre le Funambule Montmartre – 53 rue des Saules – 75018 Paris
Catherine Schwaab
Paris Match - Sciences Po - IFM - Personnalités, théâtre, expos, mode, tendances
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