DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
18 oct. · 2 mn à lire
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Le film « BARBÈS LITTLE ALGÉRIE de Hassan Guerrard Barbès et ses stars, Barbès super star !

Le titre « Barbès Little Algérie », n’aura pas la même résonance chez certains Parisiens, chez les Français, et dans le monde. Mais Barbès, tout le monde en a entendu parler !

« Barbès », ce sont les stations « Barbès Rochechouart » et « Château Rouge » à Paris, un quartier arabo-franco-africain d’une vingtaine de rues qui fonctionne comme un village. Un village un peu rock n roll, et qui fait peur aux habitants du 16ème bourgeois, de St Germain-des-Près ou des Invalides. « Un coupe-gorge ! »

Pas du tout ! Actif 7 jours sur 7, il a ses commerces toujours ouverts même pendant les fêtes ou le Ramadan (surtout pendant le Ramadan !), ses boucheries, ses pâtisseries, ses gargotes, son église, sa mosquée, ses juifs, ses musulmans, ses chrétiens, ses pauvres, ses bobos, ses trafics, ses dragueurs, ses dealeurs, son poste de police, mais quasiment jamais de sang. Voilà pour les ignares qui n’y ont jamais mis les pieds, mais se souviennent peut-être des grands magasins Tati, de merveilleuses galeries farfouille à des prix cassés. Aujourd’hui, on a Guerrisol, des fripes très tendance. Et la belle brasserie Barbès face au métro. Barbès, ça devient branché

Le carrefour Barbès, face au métro, avec la jolie brasserie Barbès, très bon rapport qualité-prix !

Une Algérie parisienne

Quand on y vit comme moi, on saisit immédiatement ce qu’a voulu raconter Hassan Guerrard, le metteur en scène qui connaît le quartier comme sa poche : Barbès c’est Alger comme là-bas. Enfin presque. La liberté en plus. Ambiance canaille, familiarité, blagues hilarantes, entraide et pick-pockets. Tout le monde se connaît, et Hassan connaît tout le monde. Il a souvent aidé à la distribution des paniers repas à l’église St Bernard, importante dans le film. Avec des personnages forts et vrais – incarnés par des acteurs éblouissants – « Barbès Little Algérie » réussit d’une part à vous restituer l’essence, l’humanité de ce quartier parisien attachant, et d’autre part à vous capter par son histoire, ses histoires, un suspens, des séquences hilarantes, son dénouement à la fois tragique et joyeux.

Hassan Guerrard, “Barbès Little Algérie” est son premier film. très réussi.

Tragique et joyeux, c’est Barbès, et c’est aussi Hassan Guerrard. Dans le milieu des journalistes, tout le monde connaît cet attaché de presse au franc-parler abrupt et à la susceptibilité atomique. Beau mec, mince comme un fil, charmeur, fumeur, un sourire lumineux, mais radical, intransigeant, intuitif, il aime ou il déteste, il « sent » ou il « sent pas », il t’envoie bouler ou il se met en quatre pour te donner un coup de pouce. Au feeling. Alors quand on a découvert que Hassan signait un film, on a senti que le truc devait lui ressembler, forcément.  Né à Paris, abandonné par sa mère à 9 ans, il a commencé comme serveur, coursier, les galères... Ses fêlures l’ont façonné, inspiré.

Le film sans fausse note

 Sofiane Zermani, intense, incarne Malek, ici avec son neveu, le craquant Khalil Ben Garbia

Malek, interprété par l’intense Sofiane Zermani, vient de perdre sa mère, il souffre, fâché avec la famille ; pourtant il finit par héberger un neveu, très mignon avec sa bouche de fille, naïf et bien élevé, arrivé du bled, et qui veut continuer ses études à la fac à Paris. De là, on se balade dans les rues, et l’histoire nous emporte grâce à des caractères irrésistibles, entre autres un nommé Préfecture ( « qui te fait tous les papiers »!) incarné par le formidable Khaled Benaïssa. Il y a aussi Hadria – excellente Adila Bendimerad – en patronne de café rayonnant d’autorité douce. Et la très belle Eye Haïdara, apaisante et généreuse. On pourrait les énumérer tous, les pros et les non-professionnels du quartier, si justes, si généreux d’eux-mêmes. Il n’y a pas une fausse note.

 C’est rapide, dense, effervescent, sans indulgence, comme l’auteur.

Au centre Khaled Benaïssa alias “Préfecture” et la “patronne” Adila Bendimerad

Au centre, entre Benaïssa et Bendimerad : Clotilde Courauld et Eye Haïdara

Un scénario à quatre signatures

Il faut préciser que le réalisateur n’a pas travaillé seul : trois scénaristes et cinéastes se sont associés, à commencer par la très réputée Audrey Diwan (« L’évènement »), puis avec Rachid Benzine, un romancier, scénariste et universitaire, puis avec l’auteur et réalisateur Peter Douroundzis. L’ensemble a duré plus de cinq ans. Au final, Guerrard possédait un texte d’une précision horlogère, c’est le secret de ses séquences percutantes.

Bref, il faut aller voir ce film sensible. Pas seulement pour connaître « Barbès Rochechouart » de l’intérieur mais aussi pour être bouleversé par l’histoire, très réaliste, et se réconcilier avec le genre humain.

Catherine Schwaab

La rue de la Goutte d’Or à Barbès se situe au pied du Sacré Coeur (au fond) à Montmartre.