Sans le roulement des talons, ces quatre musiciens-compositeurs franco-argentins nous emportent dans un voyage vers Buenos Aires, avec une finesse et une inventivité qui touche au cœur et aux sens.
Entre les Français et le tango, c est une grande histoire d’amour. La sensualité mêlée à la mélancolie, le tempo et les envolées …. Il nous emporte et nous subjugue, active notre veine lyrique et notre côté drama-queen. A nous l’âme latine, la verve chorégraphique, les réminiscences piazzoliennes !
Eh bien, pour cela, ne ratez pas le concert du Cuarteto Mosalini-Teruggi qui se produit deux soirs seulement auTheatre de la Ville les 12 et 13 mars.
J ai eu la chance d aller les écouter cet hiver à l ambassade d’Argentine à Paris dans le cocon Vieille France d’un hôtel particulier dans le 16 eme, « comme à la maison », après un verre de Malbec qui complétait l ambiance !
Il faut cet intimité-là pour apprécier car ce que nous proposent ces quatre musiciens n’a rien d’un show spectaculaire qui vous prend par l’esbroufe. C est une formation dans l’esprit « musique de chambre ». Intime et raffiné. Mais aussi caliente et amoroso !
Charme et charisme ! Juanjo Mosalini maître du bandoneon et Leonardo Teruggi à la contrebasse composent des morceaux envoûtants ; les Français Romain Descharmes au piano et Sébastien Surel au violon complètent la fougue argentine de leur finesse française
D abord, les quatre musiciens en imposent : ils sont beaux, habités, charismatiques. Juanjo Mosalini (bandoneon) et Leonardo Teruggi (contrebasse) sont des Argentins de Paris, ils ont été biberonnés au tango, ce sont eux qui composent. Sebastien Surel (violon) et Romain Descharmes (piano) sont français, formidablement polyvalents, ils se glissent dans le jazz, le classique, la soul, le lyrique, le tango avec facilité. Les quatre sont des pointures dans leur spécialité, chacun enseigne dans des académies réputées. Bref, la crème de la crème.
Mais ce qui façonne leur particularité c est le cocktail culturel. Ce concert vous emporte loin dans les milongas mais pas dans « l’exotisme » pur . Il y a dans ces morceaux une finesse, une modernité, une maturité qui ne joue pas sur le folklore. Leur musique follement expressive a des accents sophistiqués, une sensibilité qui réussit à connecter le tango le plus incandescent au goût pour la nuance, l ambiguïté.
Voilà pourquoi il faut aussi les observer : les morceaux sont indissociables de la « couleur » de chaque interprète. Au lieu d’attendre un couple de danseurs cambrés sur le tango « à l’ancienne », effervescent, fiévreux, exubérant, on a ici affaire à des orfèvres de l’âme tangueada. Précis et nuancés. La légendaire expressivité intacte, ils y glissent de l'émotion d’aujourd’hui. En les regardant, séduisants et complices, on se sent plus proches, plus connectés à cette musique qui nous fait vibrer. En plus la variété des compositions est bluffante. On repère de la texture contemporaine, des mélodies accrocheuses autant que des articulations jazz et latines.
Au bout d’une heure et demie, on sort d’un voyage aussi lointain du côté de Buenos Aires que d’une introspection au tréfonds de soi, avec pour ces quatre magiciens, une reconnaissance chaleureuse. Décidément, l’ esprit de l’Argentine se marie à merveille à notre nature complexe, inquiète et pourtant assoiffée de passion !
Catherine Schwaab
Tangueada au Théâtre de la Ville Sarah Bernhardt à Paris
Les 12 et 13 mars à 20 h30
Puis tournée dans toute la France