DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
14 sept. · 2 mn à lire
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Quand le théâtre s’empare de la question du couple

Ah, le plaisir du « live » ! Résolument modernes et ancrées dans notre vie réelle, ces deux pièces se jouent à guichets fermés à Paris. Texte, acteurs, mise en scène… tout est réussi. 

Quel bonheur de voir une pièce qui nous parle de nous, ici et maintenant. Grâce à des théâtres, des auteurs et des producteurs imaginatifs, on peut enfin échapper aux classiques remakes de Shakespeare, Molière, Racine… Non que ces grands auteurs ne méritent pas d’être revisités, ils font partie de notre histoire. Mais si l’on veut attirer une clientèle nouvelle dans les salles, aujourd’hui il nous faut des textes d’auteurs VIVANTS qui projettent leurs histoires dans notre époque. Et quoi de plus éternel, de plus universel que le couple ? Nos amours, leurs déboires, l’usure, les mensonges, les accidents de parcours, les retours de flamme… Assis dans son fauteuil, protégés par l’obscurité, on assiste à des évènements intimes qui ont une résonnance en nous. Des développements que pour rien au monde, on ne révèlerait. Quelle jouissance de pouvoir transférer sur ces acteurs magnifique une part de notre « misérable petit tas de secrets ».

« Ring » , un match où les deux sont K.O

L’affiche de la pièce Ring au théâtre de L’Oeuvre à Paris, avec Jina Djemba et Amaury de Crayencour

La pièce est signée Léonore Confino, une auteure passionnée par nos problématiques sociologiques actuelles : le monde du travail, les familles dysfonctionnelles, l’égoïsme, la solitude, l’innocence, le mal-être actuel, les phénomènes psychiques… « Ring » s’intéresse ici aux histoires d’amour… qui finissent mal, en général. Avec deux acteurs formidables, Amaury de Crayencour (le Porteur d’histoire, La machine de Turing, la Maison du Loup, le Bureau des Légendes…) et Jina Djemba (Nina Simone, Le Code, Faux Départ…), la pièce développe une quinzaine de situations. Les deux acteurs sont très sexys, et hypersensibles !

Rencontre, attirance, complicité, conflits, névroses, trahisons… On aborde avec finesse et nervosité les milles méandres d’une relation. Où l’on observe que, rien à faire, le grand amour n’est jamais éternel, tout bouge, tout le temps. Mais l’auteur ne se perd pas en démonstrations. C’est vif et intelligent, soutenu par la gestuelle, le charisme des deux acteurs qui passent par tout le spectre des emportements. Ils sont aussi brillants dans le verbe que fluides dans les mouvements. Le metteur en scène Côme de Bellicize a convié un chorégraphe-acteur, Mehdi Baki, pour peaufiner ce « ballet verbal », et cela se sent. C’est même ce qui fait toute la différence entre un duo-duel purement scénographique, et cet enchaînement d’atmosphères qui nous transporte très loin. 

Il faut absolument aller voir ce show, tant pour le propos que pour une vraie leçon de théâtre moderne, rare et subtil.

Sur scène, les acteurs de “Ring”, Jina Djemba et Amaury de Crayencour

« Oublie-moi » pour chérir les moments fugaces.

L’affiche de la pièce “Oublie-moi” de Marie-Julie Baup et Thierry Lopez

 Les acteurs Elise Diamant et Clément Aubert dans “Oublie-moi” au théâtre La Bruyère à Paris

“Oublie-moi », tiré d’un texte de l’Anglais Matthew Seager écrit en 2019, a décroché 4 Molières en 2023, spectacle, mise en scène et interprétation, et c’est plus que mérité. Le succès est tel que cette adaptation signée et jouée à l’origine par Marie-Julie Baup avec Thierry Lopez est maintenant démultipliée entre une demi-douzaine d’acteurs et actrices. Je l’ai vue avec Elise Diamant et Clément Aubert, et j’ai adoré, emballée par ce duo parfaitement crédible, beau, sensuel et d’une folle énergie. Car de l’énergie, il en faut pour passer de la légèreté à une étrange gravité qui va nous serrer le cœur. Pas de spoiler ! Préservons la surprise de la narration, sinon on perd l’intéressant basculement orchestré par la mise en scène (signée Baup-Lopez). 

Mais là encore, on jouit à fond de l’irremplaçable magnétisme d’acteurs en chair et en os. Leur aura, leur dynamisme, leur émotion nous collent au fauteuil. 

C’est pourquoi, à 30 ou 45 euros la place, il faut aller applaudir ces spectacles furieusement vivants qui nous donnent plus qu’un écran de cinéma : du souffle, de la sueur, de la vérité.

Catherine Schwaab

“Ring, Variations du couple” au Théâtre de L’Oeuvre à Paris jusqu’au 18 janvier 2025

“Oublie-moi” au Théâtre La Bruyère à Paris jusqu'à fin décembre 2024