DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
23 juil. · 2 mn à lire
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ALNOOR, designer au secours du luxe

Ce créateur issu d’une grande famille indienne est un pur Parisien. Il œuvre pour les grandes marques de luxe, Cartier, Caron, Mont-Blanc, Jimmy Choo, et le tout nouveau parfum Karl Lagerfeld. De ses origines, il garde un calme, une écoute et une gentillesse pas si courants dans le milieu.  

Il devait être ingénieur chez Peugeot, il est devenu designer. Par la grâce de sa beauté. Oui, à 20 ans, Alnoor, né en Inde, était mannequin pour Jean-Paul Gaultier, Paul Smith et Thierry Mugler, tout en finissant ses études d’ingénieur. « Mon physique « exotique » plaisait » observe-t-il amusé. Il rêvait alors de dessiner des voitures. Aujourd’hui c’est son fils de 15 ans, coup de crayon surdoué, qui croque le portrait de ses bolides favoris comme un Picasso de l’automobile.

 

Merci John Galliano !

 Il était mannequin, okay, mais il a aussi un cerveau en ordre de marche !Il était mannequin, okay, mais il a aussi un cerveau en ordre de marche !

Lui, Alnoor, s’est retrouvé comme un poisson dans l’eau dans le monde de la mode et du luxe. Les rencontres, les affinités joyeuses des années 80’s… Il se retrouve petite-main chez Sisley, dessinateur d’accessoires chez Dior époque John Galliano. Lequel l’envoie travailler sur les parfums ; un flair de maestro : le jeune Alnoor refait le vaporisateur de la maison en reprenant le cannage emblématique des paquets. « Infabricable ! » grogne le marketing. Encore un caprice de John !» Alnoor raconte : « J’ai créé ma boîte pour leur montrer que c’était fabricable ! ». Ils en tirent 10'000 « pour faire plaisir à John ». Bingo ! Ils vont en écouler plus de 300'000 et généraliser l’inspiration cannage. C’est ainsi, par le bouche à oreille que Hermès lui demande les petits vapos de voyage « Hermessence ».

Chez Dior, Galliano demande au tout jeune Alnoor de redessiner les vapos, un hit qui ...Chez Dior, Galliano demande au tout jeune Alnoor de redessiner les vapos, un hit qui ...

... va intéresser Hermès pour ses vapos de voyage Hermessence, signés Alnoor... va intéresser Hermès pour ses vapos de voyage Hermessence, signés Alnoor

Aujourd’hui Alnoor a sa propre boîte, plutôt « ses » sociétés : Alnoor-design pour la création d’objets pour Roche et Bobois, et « Objets de convoitise » pour le conseil aux marques. Il dessine, conçoit, revisite, invente… pour le monde du luxe.  Une vie de rêve ?

« Pas toujours, sourit cet homme qui dégage douceur et bienveillance. Je choisis des marques avec lesquelles j’ai le feeling. Par exemple j’ai refusé L’Oréal. » On comprend que la logique du marketing pur n’est pas sa came. La « réunionite » pour décider de la forme d‘un bouchon où tout le monde met son grain de sel, instille le doute…  Il a besoin de collaborer avec sincérité, Alnoor, sans vibrations négatives. Et avec chaque client, il entre instantanément dans l’univers, visualise tout de suite les formes, avance à toute vitesse dans la narration, mais il reste à l’écoute.

 

Caron retrouve ses origines Art Déco

Par exemple lorsque Caron a été repris par les Rotschild mère et fille, celles-ci ont fait appel à son regard empathique pour tout moderniser sans vraiment changer. Le designer était emballé, - « Pour un homme », mon parfum depuis toujours ! »  Il a  transformé la boutique de l’Avenue Montaigne, les PLV ( publicités sur le lieu de vente) mais surtout les flacons et les emballages. « J’ai repris la couleur bordeaux des origines Art Déco et affiné le style des coffrets, des meubles, et dessiné le nouveau jus « Aimez-moi comme je suis » , et un foulard, un  bijou… » Une nouvelle clientèle est accourue.  Ensuite, lui se retire, la marque vit sa vie… Comme un architecte d’intérieur, il les laisse à leur décor.

Les parfums Caron redessinés par AlnoorLes parfums Caron redessinés par AlnoorCaron vintage avant Alnoor... et après AlnoorCaron vintage avant Alnoor... et après Alnoor

Le travail de rechercheLe travail de recherche

 

Pour leur décor perso, les gens n’ont pas d’imagination

 

Son appartement avait  (trop) inspiré ses clients !Son appartement avait (trop) inspiré ses clients ! 

D’ailleurs en parlant de décor pour les particuliers, s’il est une expérience qu’il ne renouvellera jamais c’est bien de jouer les architectes d’intérieur. « Trop intime, trop conflictuel. Vous entrez de plein pied dans les névroses des clients, les mésententes… L’horreur. » Il l’a vécu quand son appartement a été photographié dans la presse : tout en nuances de bleu pervenche, velours ciel, amande et mur lilas… Un style aux touches 18ème  à la fois subtil et affirmé. « Plein de gens m’ont demandé de refaire exactement la même chose chez eux !  Quel manque d’imagination ! » On le comprend, pour un créateur, c’est saoulant.

Enfin, le reportage lui a quand même apporté sa collaboration régulière avec Roche & Bobois : « Avec Nicolas Roche, j’ai eu un feeling instantané. Je lui ai proposé des pièces, il a aimé, et voilà ». On peut acheter son miroir Merlin inspiré de Sonia Delaunay, son best seller, mais aussi son vase Paquebot, ses fauteuils de velours et des tapis dessinés de sa main. « Là je m’exprime vraiment. » Re-cycling oblige, il a imaginé pour Giens un set de vases superposables très joli. 

Une idée ingénieuse de recyclage des vase de GiensUne idée ingénieuse de recyclage des vase de Giens

Pour Roche&Bobois le miroir merlin...Pour Roche&Bobois le miroir merlin...... et son travail préparatoire inspiré de Sonie Delaunay... et son travail préparatoire inspiré de Sonie Delaunay

Pour Jimmy Choo, il a élaboré un fuselage ivoire qui rappelle les talons des chaussures mais pas trop pointu pour ne pas blesser la main. Contrairement à Louboutin qui a joué la flèche redoutable…  Pas évident d’imaginer un rouge à lèvres pour une marque de souliers. On frôle le fétichisme. Chez Jimmy Choo, la « patte »  Alnoor a fait augmenter les ventes de 24 % « Je suis bankable sur ce genre de truc »… lâche tranquillement l’auteur.

Quand Jimmy Choo le chausseur habille les ongles et les lèvresQuand Jimmy Choo le chausseur habille les ongles et les lèvres 

Le grand Karl… en flacon

Ces temps-ci, Alnoor s’apprête à montrer son dernier-né pour … les parfums Karl Lagerfeld : un flacon buste-de-Karl avec sa tête à catogan en guise de bouchon. Une idée géniale bien dans l’ambiance super-star du maître de Chanel.

Le parfum de "Karl" qui devrait être le hit de la saison !...Le parfum de "Karl" qui devrait être le hit de la saison !...

.... et les maquettes techniques pas faciles à concrétiser.... et les maquettes techniques pas faciles à concrétiser

Alnoor ne cache pas un certain trac… Lancer un parfum implique un très gros budget, plusieurs dizaines de millions d’euros sont investis. C’est là que ses origines indiennes l’aident à garder ses distances. « Le stress des autres ne me touche pas. » Ses parents ont vécu deux guerres et deux exils, Madagascar, puis Paris, ses grands-parents avaient été assassinés… Sa mère a retrouvé la paix dans le yoga, son père est reparti finir ses jours en Inde. Son frère directeur commercial chez Microsoft, va quitter Londres pour le rejoindre à Paris.  Les angoisses et les contrariétés finissent toujours par s’atténuer. Dans ses ateliers du 20ème arrondissement, - non loin de ceux de John Galliano -,  Alnoor cultive un  leitmotiv :  « Rien n’est grave à l’échelle cosmique. Ce que tu ne fais pas, ton fils le fera. » Une leçon de vie, de savoir-vivre.

Catherine Schwaab

 

 Un de ses toutes premières créations quand, jeune designer, il travaillait pour... LouboutinUn de ses toutes premières créations quand, jeune designer, il travaillait pour... Louboutin