DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
27 oct. · 2 mn à lire
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Vintage à qui mieux mieux

On marche sur la tête : maintenant, les champions de la fast fashion se revendiquent vintage. Et les as du dépôt-vente se veulent vintage. A vouloir jouer sur tous les tableaux, ils se perdent. Et nous perdent.

Audrey Hepburn et Gregory Peck en “Vacances romaines” en 1953 (William Wyler)

« Vintage » je rappelle, c’est, tel un grand cru, une pièce historique qui se bonifie au fil des ans. Une veste années 40 ou 50 ou 60 (de plus en plus rares), en général déjà portée, rescapée de ces 60, 70, 80 ans passés et qui vient rehausser nos ultra-modernes garde-robes. Leurs tissus sont purs, un peu plus raides, leurs finitions beaucoup plus raffinées, leurs coutures multiples, leurs surpiqures précises, leurs doublures épaisses, impeccables, avec du galon, un plomb pour le tombé, etc etc…

Or voici maintenant que H & M se mêle de nous vendre du vintage créateurs. H & M, la mass-production pas chère qui quadrille la planète ! Eh bien ça n’est pas si incongru : on sait que depuis 20 ans, la marque élabore des collections capsules avec des créateurs. Ils avaient commencé, souvenons-nous, avec Karl Lagerfeld, à tout seigneur tout honneur. Le  maestro avait ouvert la voie à tous les autres qui ne se sont plus embarrassés de questions sur le risque de « vulgarisation » de leur patte : Stella M Cartney mais aussi Rykiel, Lanvin, Versace, Marni, Margiela, Kenzo… Chaque année depuis 2004, - parfois deux « noms » dans la même année - provoquaient des queues dès 4 heures du matin en plein novembre sur le boulevard Haussmann à Paris. Et on a fait nos choux gras journalistiques des empoignades sur place !

H&M customise ses ex-collab

Milan Pre-Loved par H&M

Barcelone Pre Loved par H&M

L’écologie est passée par là. Les jeunes, cœur de nos contradictions, et cœur de cible de H&M, n’ont guère réduit leurs achats made in China, Pakistan, Bangladesh, mais maintenant, ils défilent pour la planète. En conséquence, ils achètent du vintage dans les fripes. En plus de H&M !

Alors, en bonne logique, H&M leur propose du vintage haut de gamme « maison » : des pièces griffées, restées en stock et customisées. C’est très bien conçu : chaque collection de pièces uniques porte le nom d’une ville Paris, Londres, Milan, New York, Barcelone, Stockholm, Berlin et… on line ! L’ensemble s‘intitule « Pre Loved  Archive » comme si on avait gardé une réserve d’amour et de frustration en bibliothèque pour ces pièces qu’on n’a jamais réussi à s’offrir faute de s’être levée à 3 heures du matin. Franchement c’est très habile : la fast fashion s’adapte à la tendance en créant des « recyclés » pseudo-iconiques par la grâce d’une styliste que l’on cite comme si c’était Karl ou Donatella : Kate Phelan.

Accéder à la rareté du haut de gamme, la créer de toutes pièces afin de faire de cet achat un acte exceptionnel. Ou une démarche écologique. Mais acheter quand même…

Zara se veut créateurs ET récup

Stefano Pilati et “Gisèle” esprit “Monica”

Gisèle en Pilati pour H&M

Zara même combat : la marque espagnole travaille sur la rareté en concluant elle aussi des « collab » avec de grands noms de la mode, le dernier, Stefano Pilati (ex-Saint Laurent). Lui ne se contente pas de dessiner les fringues, en plus il pose en photo avec Gisèle Bündchen. Oui, la top model planétaire brésilienne qui sort de sa retraite pour ce shooting de Steven Meisel en noir et blanc, avec un petit côté rétro Monica Vitti. Malin. J’ai couru chez Zara « pour voir » et, why not, pour acheter. Fume. Tout est trop grand. Importable. Même pour les grand ( e )s et larges. Belles matières mais on se prend les pieds, les portes, les tourniquets dans les pans. Ça fera des pièces « rares » recyclées dans 3-4 ans.

Là où Zara se gourre c’est quand ils signent un accord avec Vinted (tu connais pas Vinted, le meilleur dépôt-vente international en ligne ?!)  Tous les vendeurs de fripes te le diront : les rebuts de Zara, Mango ou H&M se vendent mal. Le secret des fripes ou du vintage, c’est trouver le joyau à l’étiquette prestigieuse pour le prix d’un Zara ou d’un H&M. On ne va pas rechercher du Zara ou du H&M dans les fripes. Ou alors c’est un dépôt de charité à 2, 3 euros la pièce.

Vinted se met au hors de prix

2550 euros le prix demandé sur Vinted pour ce “petit” Dior sans étiquette

Le plus fort, c’est que maintenant le fameux Vinted réputé pour ses prix bas se lance dans les pièces griffées inabordables : sacs, vestes, chaussures Chanel, Dior, Fendi ou Hermès…. Vendus plus chers que chez Collector Square, le site le plus chic du moment ! Ils vont probablement récupérer du Zara-Pilati  et du H&M Pre-Loved Archives. Chez eux, rien ne se crée, tout se négocie.

Dans ce délire de la rareté recyclée, griffée, archivée, les marketing managers s’étourdissent dans la surenchère concurrentielle. A nous donner la nausée. Même plus envie d’acheter. Ça au moins c’est écolo.

Catherine Schwaab