DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
25 avr. · 3 mn à lire
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La France, un ex-top-model aveuglé par sa gloire passée

Il est un livre qui fait un tabac ces temps-ci, celui qui raconte la France à travers les yeux des étrangers. Et ça n’est pas brillant : la France se croit encore puissante, rayonnante et autonome. C'est franchement has-been. Comme un mannequin vieillissant, elle n’a pas vu le temps passer.

Ces temps-ci le pays se fait proprement lyncher par deux journalistes qui n’ont pas leur langue dans leur poche. Et les yeux bien ouverts sur nos tares. Richard Werly, le Suisse, et François d’Alançon, le Français pure souche, signent ensemble « Le bal des illusions, ce que la France croit, ce que le monde voit ». Pour étayer leur propre regard critique, ces deux grands reporters sont allés demander à des spécialistes du monde entier comment ils perçoivent ce pays où eux-mêmes vivent, chroniquent et débattent. Richard Werly est un correspondant hyperactif de l’hebdo suisse Blick, François d’Alançon, un ancien rédacteur en chef à La Croix. Deux poids lourds de l’analyse au carnet d’adresses phénoménal. Leurs interlocuteurs sont tous de brillants chercheurs et des historiens politiques chevronnés.

 

La France peut parfois faire illusion, mais en vrai…

 

Que nous disent-ils ? En gros que la France décline et que tout le monde le voit sans oser le lui dire en face. Comme un top model vieillissant qui s’étonne de ne plus faire la une de tous les magazines, la France ne veut pas voir ses bourrelets, ses rides, son double et triple menton, ses fesses et ses seins tombants. Maquillée, habillée, elle peut parfois encore faire illusion et en jeter dans une soirée mais en vrai, elle voit les petites jeunes la dépasser dans les défilés et dans les grandes campagnes de pub. Au lieu de se reprendre en main, maigrir, se muscler, arrêter le champagne et le foie gras, la pauvre se croit encore au sommet et s’exhibe en fourreau moulant décolleté comme autrefois. Sous les regards gênés de ses anciens fans.

Les deux reporters, eux, n’y vont pas avec le dos de la cuillère. Au risque de précipiter sa spirale d’auto-sabotage, ils lui balancent ses quatre vérités, et ça fait mal.   

François d'Alançon (à dr.) et Richard Werly, les auteursFrançois d'Alançon (à dr.) et Richard Werly, les auteurs

Avec une rationalité, une froideur tout helvétiques, ils pointent chaque défaut. Mais bons princes, ils suggèrent le traitement : régime et renforcement musculaire. Côté allure : « Arrête les faux-cils et le strass, le déhanché et la drague, abaisse tes prétentions, change d’agence, inscris-toi en « Senior » et passe à un autre registre. » C’est dur à encaisser. Mais ça peut marcher car la belle a encore une allure, un charisme, un sourire étincelant et un savoir-faire imbattable en shooting. Il faut juste qu’elle comprenne et en ait envie.

Pour la convaincre, les deux larrons ne manquent pas d’arguments. Ils peuvent tranquillement lui faire la liste de ses admirateurs d’antan, tous déçus, voire effarés par sa dérive égocentrée : des Allemands aux Anglais, aux Américains, aux Africains, aux Australiens, aux Latinos… A tous, ils sont allés poser des questions embarrassantes. « Tu m’aimes encore ? » , « Je te plais comment ? » Attendris ou cruels les ex-amants, ex-amoureux, ex-ennemis, ex-rivales passent à l’attaque. Un poil vengeresses, certaines ne détestent pas mettre du sel sur la plaie. L’aveuglement de cette malheureuse “boomer” qui croit encore qu’elle peut tout régenter, - l’Afrique, la communauté européenne, la puissance industrielle, les conflits du monde… - son ridicule pathétique quand elle se prend un râteau - Macron chez Poutine, éconduit au bout d’une table de 4 mètres -, sans parler de ses accidents de boite de nuit, bagarres et beuveries, en pleine saison des défilés - manifs, grèves… « La France entre en crise presque tous les ans, observe Werly. Pas facile dès lors d’être respectée et crédible ». Oui ça fait mal.

 

Aguicheuse, la France allume mais ne conclut pas

 

Et ça n’est pas fini. Plus pervers, les auteurs touchent le point sensible de sa séduction. « La France fait envie mais elle a perdu en partie sa capacité à répondre aux envies qu’elle suscite. » Aguicheuse, allumeuse, elle ne conclut pas, « parce qu’elle n’en a plus les moyens. » assène Werly. La claque.

D’autres pointent son orgueil d’ex-femme fatale à qui nul ne résistait. Autrefois oui. Irrésistible il y a 40 ans, son tableau de chasse n’a d’égal que sa prétention aujourd’hui. Aveugle ou mytho, elle se croit toujours au centre de l’attention mais, rien à faire, elle n’emballe plus. Pire, elle jalouse ses consoeurs, les humilie, et croit qu’elle peut toujours la jouer en solo. Alors qu’à présent, l’heure est à la solidarité féminine. Plus à la compétition mesquine. Le monde est suffisamment dur pour qu’en Europe, on se serre les coudes. Mais la France, elle, croit toujours qu’elle peut imposer ses conditions sans compromis. Mener la danse par son seul rayonnement. Mais réveille-toi, bon sang !  Reviens dans la vraie vie.

 

Le rêve ? une France mature au sex-appeal tranquille

 

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 Dans la vraie vie, les vrais top models peuvent lui montrer l’exemple, à cette France grotesque : passé la cinquantaine, les Estelle, Inès, Carla, Linda, Christy, Cindy, Naomi, elles, ne se voilent pas la face. Elles ont vu leur corps changer, leur impact décliner, elles ont eu leur heure de gloire – et quelle gloire ! - elles n’en perdent pas pour autant leur niaque. Elles luttent chaque jour pour ne pas grossir, muscler leur plastique et rester fit, elles ont arrêté les blouses de mousseline Saint-Laurent sans soutien-gorge, ne prétendent plus ouvrir chaque défilé et acceptent de se faire plus rares. Et par-dessus tout, elles regardent les petites jeunes avec bienveillance et restent indéfectiblement copines et solidaires. Pas envieuses, ni amères.

Voilà ce que nous disent nos enquêteurs sévères. S’ils se sont donnés la peine de sillonner la planète à la recherche de ce que le monde pense de cette beauté fanée, c’est parce qu’ils espèrent lui administrer un électro-choc afin qu’elle se ressaisisse. Et devienne cette femme mûre au charme serein, une sorte de cocktail grisant de Sharon Stone, Inès de la Fressange et Monica Bellucci. Un sex-appeal apaisé, mais en plus subtil. Totalement tendance.

Catherine Schwaab

« Le bal des illusions, ce que la France croit, ce que le monde voit » par Richard Werly et François d’Alançon. Grasset - 22 euros, 330 p.