DANS L'OEIL DE CATHERINE SCHWAAB

Sorties parisiennes, bons plans parisiens et autres, chroniques et réflexions sur la vie, la mort, les djeuns et la coiffure !

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Par Catherine Schwaab
5 mai · 2 mn à lire
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Femmes nazies, femmes tueuses

« Les tueuses »… C’est un livre-choc, qui remet en cause pas mal de clichés sur les femmes. Sous le régime nazi, elles ont été des tortionnaires zélées et sans scrupules. Effrayant. Mais aujourd’hui, l’espoir peut-il venir du « beau sexe » ?

 Quand on lit le bouquin « Tueuses », on se dit que, heureusement que les auteurs étaient deux pour partager le poids de ces révélations. Véronique Timsit est une scénariste, spécialiste de la Shoah, et Minou Azoulai, une productrice et réalisatrice connue, auteur de nombreux reportages de société (enfants harcelés, santé…). Elles sont joyeuses, curieuses et légères. Pourtant, leur livre est une somme d’horreurs qu’il faut avoir le courage de rassembler. Et de lire. Les portraits de ces dix-sept femmes, de l’Allemagne à l’Autriche, la Pologne, l’Ukraine, la Biélorussie ; elles furent des bourreaux impitoyables opérant sur les enfants comme sur les adultes. Certaines étaient des pivots importants du fonctionnement des camps et des assassinats de masse. D’autres, des complices consciencieuses et des témoins avertis de tout ce qui se passait sous le régime nazi.

 Sur Radio RCJ, les auteurs Minou Azoulai (à g.) et Véronique Timsit. L'émission "Les rencontres de Catherine Schwaab" est diffusée dimanche 7 mai à 13 h puis accessible sur le site radiorcj.info.Sur Radio RCJ, les auteurs Minou Azoulai (à g.) et Véronique Timsit. L'émission "Les rencontres de Catherine Schwaab" est diffusée dimanche 7 mai à 13 h puis accessible sur le site radiorcj.info.

Zélées dans l’horreur

 

Elles ont en commun une… insécurité inavouée : le besoin d’en faire plus que les hommes pour être reconnues. Ceci n’explique pas leur sadisme aveugle mais il révèle une inféodation : à l’époque, leur destin, selon Hitler, c’était « Kinder, Küche, Kirche » (faire des enfants, faire la cuisine et aller à la messe). Dans ce contexte de guerre, comme dans d’autres pays, elles sont devenues actrices du régime, administratrices, contrôleuses, geôlières, tortionnaires des camps et infirmières chargées de supprimer tout ce qui n’était pas Aryen. Certaines, nombreuses, ont concrètement, froidement tué les enfants en masse. Pas en les gazant. Mais en les suppliciant. Un passage du livre sur le « Petit Auschwitz » à Lodz dépeint le quotidien de 20'000 enfants tués à petit feu. D’autres chapitres décrivent carrément les gestes de tueuses : tortures, meurtres par balles ou sous les coups, bébés éclatés contre les murs… C’est parfois insoutenable. Mais ce sont des faits. Rien de romancé dans l’écriture qui reste toujours factuelle, rigoureuse, nerveuse.

Les auteurs abordent aussi les fameuses expérimentations médicales : sous les ordres de Mengele et consorts, la doctoresse Herta Oberhauser provoquait des gangrènes en cassant des membres, infectant les plaies afin de tester l’efficacité des sulfamides. Inutile de dire qu’aucune de ces expériences n’a donné naissance au moindre nouveau médicament.

 

Pas l’ombre d’un remord

 

Toutes les questions qu’on peut se poser sur cette période horrible de l’histoire sont abordées : l’organisation, les méthodes, la hiérarchie, la mentalité, les dignitaires, le mode de vie, les noms connus… On « voit » Eva Braun (femme de Hitler) frustrée et manipulatrice, et ses deux sœurs arrivistes, Magda Goebbels capable à la fin de tuer ses quatre enfants, l’idolâtrie impensable professée par toutes ces femmes pour le Führer…

Ensuite il y eut des procès. Pas l’ombre d’un remord chez les inculpées. Et pas beaucoup d’exécutions, l’Allemagne voulait « tourner la page ». Leurs peines furent incroyablement légères. Sorties de prison, ces femmes ont refait leur vie, se sont mariées en Amérique, donc elles ont changé de nom, se sont occupé d’enfants…  Grâce aux chasseurs de nazis, certaines ont été retrouvées. Et presque toutes ont nié, rejeté les accusations malgré les témoignages et les preuves…

 

Les femmes : aussi cruelles que les hommes ?

 

On ne peut s’empêcher de s’interroger : aujourd’hui, de quoi sont capables les femmes ? Avec la libération féminine et le mouvement me-too, elles ont acquis une pensée propre, un jugement critique sur la société, le droit à la parole, l’accession au pouvoir (enfin, en partie)… Aucune aujourd’hui n’obéirait aux ordres ! Aucune ne ferait du zèle pour se faire bien voir de la hiérarchie masculine, gagner des privilèges, un salaire confortable… Cette aptitude à la cruauté, ça n’est pas féminin, pas possible.

Les auteurs n’en sont pas si sûres. Le féminisme accepte-t-il cette face noire de notre « féminité » ? Moi j’ai tendance à penser que si le monde était dirigé par des femmes, il y aurait moins de guerres et de dictatures. Qu’on est naturellement plus ouvertes, moins « vieux con ». Qu’on est moins vaniteuses, plus à l’écoute, donc plus empathiques, plus tournées vers la concertation. Bref, plus intelligentes que les hommes qui eux, restent prisonniers du rapport de force. Certes, il y a des infanticides, des tueuses en série, des Monique Olivier… Mais ce sont des exceptions, non ? Non. Les auteurs du livre ont perdu leurs illusions sur une quelconque « bonté » féminine qui serait innée.

Plus radicale, Michèle Agrapart-Demas, une psycho-criminologue allemande qui a étudié la question casse nos derniers espoirs : « La sociologie du crime nous apprend que le comportement criminel n’est pas spécifique à un sexe. »  Elle argumente : « On part du principe que les hommes sont violents, brutaux et égocentriques. Mais eux n’ont pas besoin de cacher cette part d’eux-mêmes. Tandis que les femmes sont supposées agir comme si cela n’existait pas en elles. » Or bien obligée de reconnaître que… même taboue, la cruauté féminine existe dans les mêmes proportions que leurs congénères. Les perversions du « beau sexe »….  

Il faut absolument lire ce bouquin de Véronique Timsit et Minou Azoulai. C'est dur, mais tellement instructifIl faut absolument lire ce bouquin de Véronique Timsit et Minou Azoulai. C'est dur, mais tellement instructif

Catherine Schwaab